Conversation avec monsieur Jon Kerner, Ph. D.
Le président du groupe d'action pour la prévention primaire, qui relève du Partenariat, discute dune nouvelle approche en prévention du cancer.
24 mars 2009
Le Dr Jon Kerner est président du groupe d’action pour la prévention primaire ainsi que conseiller scientifique principal pour les programmes de lutte contre le cancer et d’application des connaissances du Partenariat. Avant de se joindre au Partenariat, il était sous-directeur des programmes de diffusion de la recherche pour la Division of Cancer Control and Population Sciences au National Cancer Institute des États-Unis.
Q. Quelle est votre vision de la prévention du cancer au Canada?
R. Lorsque j’ai joint le Partenariat l’automne dernier, mon premier objectif était de comprendre pleinement ce qui se passait, de regarder toutes les pièces du casse-tête et de me demander : « Y a-t-il un tout ici qui soit plus grand que la somme de ses parties? »
C’est ce qui m’a amené à proposer une approche plus globale pour la prévention du cancer, une approche reliée aux efforts de prévention des maladies chroniques au Canada.
Le groupe d’action pour la prévention primaire se réoriente pour soutenir des réseaux plus grands de coalitions qui mettent à profit les activités existantes au Canada, dans le but d’élargir la portée et d’accroître l’influence de ces réseaux, et pour faire le lien entre les leçons tirées de la science et celles tirées de la pratique.
L’objectif général est donc de combler les écarts entre ce que les organisations et les individus font séparément et ce qu’ils pourraient faire ensemble en les aidant à développer de nouveaux partenariats qui toucheraient toutes les maladies chroniques, toutes les disciplines, toutes les provinces et tous les territoires. Il en découlerait une meilleure coordination de la mise en oeuvre et de l’évaluation des programmes de prévention fondés sur des preuves, et par conséquent de meilleurs résultats pour les Canadiens.
L’élément essentiel de cette nouvelle approche est le projet COALITION, soit les connaissances & actions liées pour une meilleure prévention.
Q. En quoi consiste le projet COALITION, et comment reflète-t-il cette nouvelle vision?
R. En commençant par trois ateliers pancanadiens de consultation des partenaires, COALITION tentera d’exploiter les activités existantes afin d’améliorer la prévention du cancer et des maladies chroniques au Canada.
Nous sommes très heureux que la Fondation des maladies du coeur du Canada et la Société canadienne du cancer fassent partie des premiers collaborateurs à se joindre au Partenariat dans la mise en oeuvre de ces ateliers de COALITION.
Les ateliers porteront principalement sur les contextes sociaux, comportementaux, cliniques et environnementaux de la prévention. Ils vont rassembler des chercheurs, des praticiens et des décideurs dans le but de soutenir des partenariats élargis touchant toutes les disciplines, toutes les maladies chroniques, toutes les provinces et tous les territoires.
L’objectif est de faire en sorte que des spécialistes de la recherche, des spécialistes en politiques et des praticiens de première ligne qui travaillent sur différents facteurs de risque, comme l’obésité ou la prudence au soleil, ainsi que sur différentes maladies chroniques se rencontrent et échangent leurs connaissances et leurs idées. Ces gens peuvent avoir un effet plus grand sur la santé et le bien-être des Canadiens en travaillant ensemble et en examinant les approches communes favorisant la prévention du cancer, aussi bien que de l’asthme, du diabète, des maladies cardiaques et des autres maladies chroniques qui accablent les Canadiens.
Il y a déjà beaucoup de bon travail qui est fait par des scientifiques, des praticiens et des décideurs. Il s’agit donc de réunir tous ces gens et de voir quelles possibilités de partenariat émergeront de leur rencontre. Et une fois qu’ils auront découvert des partenariats possibles qu’ils considèrent sensés, il faudra voir comment les ressources du projet COALITION peuvent les aider à avancer.
Q. Est-ce que d’autres nouveaux projets adoptent cette approche collaborative?
R. Oui. La plateforme canadienne pour accroître lusage de données probantes du monde réel (CAPTURE) est une nouvelle initiative majeure. Elle est importante parce qu’elle nous permet de recueillir l’information que nous tirons du vrai travail sur le terrain, et d’élaborer des outils qui nous aideront à saisir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans le monde réel.
La plateforme CAPTURE fait participer des experts internationaux et rassemble des intervenants de tout le Canada. Elle mettra à contribution la grande communauté de la prévention des maladies chroniques en l’encourageant à contribuer à la création d’outils d’évaluation communs et à la promotion de leur utilisation pour l’évaluation des pratiques et des politiques.
Un autre projet important est CAREX Canada, qui travaille avec des organismes gouvernementaux, des universités et le secteur privé pour recueillir des données sur l’exposition des Canadiens aux agents cancérogènes dans les lieux de travail et les communautés. Nous faisons également des analyses environnementales, qui doivent être terminées en mars 2009, sur des sujets essentiels à la prévention du cancer. Ces analyses favoriseront la compréhension des progrès faits en matière de politiques de réduction des facteurs de risque du cancer à l’échelle fédérale, provinciale, territoriale et communautaire.
Q. à quels défis devez-vous faire face en animant des partenariats pour la prévention?
R. Bien sûr, une certaine tension s’installe lorsqu’une organisation de lutte contre le cancer tente de nouer des relations avec des organisations de lutte contre les maladies chroniques afin de pouvoir se pencher sur les déterminants sociaux plus larges de la santé et sur les questions liées aux facteurs de risque communs.
Le Partenariat joint l’acte à la parole. Nous disons : « Le Partenariat s’engage à adopter une approche globale de prévention. Nous n’allons pas seulement nous concentrer sur la prévention du cancer. »
Si, par exemple, les organisations se consacrant aux maladies cardiovasculaires et les organisations se consacrant au cancer collaborent afin de s’attaquer ensemble aux maladies cardiovasculaires aussi bien qu’au cancer, alors tout le monde y gagne, puisque ces dux types de maladies sont les dux principales causes de mortalité au Canada. Le même principe s’applique aux autres maladies chroniques.
Nous admettons que les conversations qui pourraient mener à des innovations n’auront pas lieu tant que les personnes réunies n’échangeront pas leurs connaissances et ne se découvriront pas des préoccupations communes. Par conséquent nous voulons les rassembler et dire : « Bien, nous sommes tous d’accord sur ce qui doit être fait. Maintenant, y a-t-il des choses que nous pouvons réaliser plus rapidement ensemble qu’en travaillant chacun de notre côté? »
À l’heure actuelle, il y a tout aussi bien de l’enthousiasme que de l’inquiétude sur la fonction qu’occupera la prévention du cancer dans cette approche globale. Il y a beaucoup d’énergie, et si nous pouvons canaliser cette énergie, je pense que nous pouvons faire une énorme différence pour améliorer la prévention du cancer en particulier, et des maladies chroniques en général, pour tous les Canadiens.
Q. Qu’est-ce qui vous a amené au Partenariat en septembre 2008?
R. Au cours des 28 ans pendant lesquels j’ai travaillé aux États-Unis dans la lutte contre le cancer et la prévention du cancer, je n’ai jamais vu un engagement pour la prévention comme celui du Partenariat. La prévention du cancer est le second plus gros investissement fait par le Partenariat, le premier étant la recherche. Cela m’impressionne. De plus j’ai la duble citoyenneté, celle du Canada et celle des États-Unis, j’ai de la parenté à Toronto et des racines au Canada, dont un baccalauréat en sciences de l’université McGill alors je sens un lien.
Pour moi, me joindre au Partenariat est la continuation dun cheminement. J’ai commencé en tant que chercheur : j’ai travaillé pendant 20 ans dans de grands centres d’études sur les soins intégrés de lutte contre le cancer. Là, j’ai vu par moi-même combien peu d’effet a réellement la recherche sur la pratique. Puis je suis passé au gouvernement, au National Cancer Institute, où j’ai posé la question : « Comment pouvons-nous favoriser l’union des leçons tirées de la science et des leçons tirées de la pratique? » Grâce au Partenariat j’ai maintenant la chance de pouvoir travailler avec tous les secteurs et toutes les disciplines afin de tenter de répondre à cette question dune façon qui mène à l’action.