Le cancer à l’ère de la COVID-19
Répercussions disproportionnées sur les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Le colonialisme et d’autres déterminants de la santé (facteurs sociaux, économiques, politiques et environnementaux tels que le manque d’eau potable, le surpeuplement, l’insécurité alimentaire, la pauvreté, l’accès limité aux soins de santé et le racisme systémique) ont entraîné des inégalités systémiques et évitables en matière de santé pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis, inégalités qui ont été exacerbées par la pandémie de COVID-191.
Par exemple, les Premières Nations, les Inuits et les Métis subissent un fardeau disproportionné de problèmes de santé chroniques tels que les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’asthme et certains cancers2. Ces affections chroniques sont le résultat de facteurs de risque dont la prévalence est déterminée en partie par des déterminants de la santé propres aux Autochtones, comme la colonisation, la perte des pratiques traditionnelles nécessaires à la santé et la dépossession des terres. Le racisme contre les Autochtones généralisé et permanent dans le système de santé a également donné naissance à une tradition de méfiance parmi les Premières Nations, les Inuits et les Métis, ce qui a des répercussions négatives sur l’accès aux soins3. Ces facteurs contribuent à un état de santé moins bon chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis, ce qui les expose à un risque plus élevé de complications graves s’ils contractent la COVID-194,5,6.
Au cours de la pandémie, des difficultés particulières ont rendu difficile l’accès des Premières Nations, des Inuits et des Métis aux services et aux conseils en matière de soins de santé7,8 :
- Certaines collectivités de ces peuples ne peuvent pas mettre pleinement en œuvre les comportements de santé visant à prévenir la propagation de la COVID-19, tels que la distanciation physique et l’auto-isolement, en raison du surpeuplement des logements.
- Les personnes vivant dans des collectivités éloignées sont moins susceptibles de pouvoir accéder à des conseils en matière de soins de santé en temps opportun en raison du manque de prestataires locaux (ou des restrictions liées aux déplacements qui ne permettent pas aux médecins ou aux infirmières de se rendre dans les collectivités éloignées). Par exemple, un programme de transport aérien d’infirmières pour les collectivités éloignées a été arrêté et remplacé par des soins virtuels, ce qui peut augmenter la disponibilité des consultations de médecins et d’infirmières, mais crée également des obstacles pour ceux qui ne peuvent pas accéder aux soins virtuels.
- Dans de nombreuses collectivités inuites et de Premières Nations éloignées et isolées, l’accès à Internet haute vitesse et l’infrastructure nécessaire à la prise en charge des soins virtuels font défaut. En outre, certains membres des collectivités ne disposent pas d’appareils ou de téléphones portables pour se connecter à Internet ou ne peuvent pas payer pour ce service, ce qui les empêche d’avoir accès aux soins virtuels.
- Les Inuits qui vivent dans l’Inuit Nunangat doivent parcourir de longues distances pour recevoir des soins contre le cancer dans les grands centres urbains, ce qui signifie qu’ils sont confrontés à la décision difficile de quitter leur maison, leur emploi, leur famille, leurs amis et leur collectivité, ou de renoncer au traitement9. Cette difficulté n’a été qu’exacerbée par la pandémie. Par exemple, depuis mars 2020, les personnes qui se rendent au Nunavut doivent s’isoler pendant deux semaines dans des centres d’isolement, ce qui a provoqué une grande détresse chez certaines d’entre elles, qui ont refusé de se rendre chez le médecin en raison du temps prolongé passé loin de chez elles et des histoires de mauvais traitements dans ces centres10.
- Certaines collectivités n’ont qu’un accès limité, voire aucun accès, au test de dépistage de la COVID-19, un outil essentiel pour prévenir la propagation de la COVID-19.
- Certaines collectivités ne disposaient pas de ce dont elles avaient besoin pour gérer la pandémie, notamment un approvisionnement stable en équipements de protection individuelle, des plans de préparation à la pandémie entièrement élaborés ou une formation à la gestion des urgences. La diminution, au fil des ans, du financement sur lequel les collectivités autochtones comptent pour la planification de la santé publique peut être un facteur contributif.
- En raison d’expériences antérieures de racisme dans les établissements de soins de santé, certains membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont hésité ou ne se sont pas sentis à l’aise de demander le test de dépistage de la COVID-19 ou d’autres services de soins de santé pendant la pandémie.
- La pandémie a intensifié le besoin de mesures de soutien en matière de bien-être mental, dirigées par les Autochtones, les collectivités et accessibles en temps opportun à ceux qui luttent pour faire face au stress supplémentaire, à l’anxiété, à l’isolement et à la solitude causés par la pandémie8. De nombreux Inuits, Métis et membres des Premières Nations ont eu de plus en plus de mal à accéder aux pratiques culturelles en raison des mesures de santé publique, n’ont pas pu se rendre dans les collectivités en raison des mesures de confinement et ont eu peur de contracter le virus, ce qui a eu un effet négatif sur la santé mentale et le bien-être7.
- Les mesures de santé publique visant à prévenir la propagation de la COVID-19, telles que les confinements et les messages de santé publique exhortant les gens à cesser de participer aux cérémonies, ont amené certaines Premières Nations, certains Inuits et Métis à vivre et à revivre des traumatismes résultant d’expériences passées où le gouvernement restreignait les mouvements des peuples autochtones et leur dictait ce qu’ils pouvaient faire7. De nombreux peuples autochtones du Canada éprouvent également une profonde méfiance à l’égard du gouvernement, en raison d’un passé de promesses non tenues et de droits et libertés bafoués.
Bien que la pandémie de COVID-19 continue d’engendrer des répercussions disproportionnées sur leur santé et leur bien-être, les données sur l’effet de la pandémie sur les Premières Nations, les Inuits et les Métis sont limitées. La plupart des bases de données sur la santé ne contiennent pas d’identifiants des Premières Nations, des Inuits et des Métis; elles sont fondées sur des modes de connaissance coloniaux; elles ont été déterminées en dehors des collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis et ne font donc pas avancer les priorités propres aux peuples. Les données limitées qui existent montrent ce qui suit :
- Les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont mis en œuvre de façon autonome des réponses communautaires à la pandémie, telles que des mesures de soutien en matière de santé physique et mentale et des restrictions supplémentaires1,11, qui ont contribué à des taux de cas et de décès liés à la COVID-19 plus faibles dans certaines collectivités12,13.
- En Ontario, la pause dans les services de dépistage du cancer peut être ressentie de façon disproportionnée par les membres des Premières Nations. Les personnes vivant dans une réserve des Premières Nations peuvent être plus susceptibles d’obtenir un diagnostic tardif à la suite d’un test de dépistage anormal14. Cela signifie que leur cancer sera dépisté à un stade plus avancé, lorsque les chances de guérison et de survie sont plus faibles.
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