Commencement du voyage dans le monde des esprits

Guérison et aide basées sur la terre et le lieu

La terre et la communauté peuvent être considérées comme des guérisseurs et des aides pour de nombreux peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada. Depuis des temps immémoriaux, les peuples autochtones ont développé leurs cultures, leurs langues et leurs modes de connaissance à travers leur compréhension de la terre, des personnes et du lieu (communauté), et leurs liens avec ceux-ci. Par conséquent, en plus d’utiliser les ressources et les aides biomédicales en matière de soins palliatifs et de fin de vie, il est tout aussi important de reconnaître que les cérémonies culturelles, les rituels et les pratiques spirituelles connexes constituent une médecine pour de nombreux peuples autochtones.

Dans la gestion de la transition d’un monde colonial à un monde décolonial, de la terre à la communauté, et de l’adversité à la santé globale, les pratiques et les connaissances fondées sur la terre, essentielles à la résilience autochtone, visent à intégrer les processus culturels dans le quotidien, tout en assurant une continuité sans faille pour ceux qui en ont besoin1.

La guérison et l’aide basées sur la terre et le lieu comprennent une variété d’activités, notamment :

  • des tambours, des chants, des danses et des prières;
  •  l’accomplissement de rites de passage (p. ex. les funérailles);
  • les liens avec la nature : purification, renouement avec quelque chose de plus grand que soi;
  • les récits et les conseils des aînés et des porteurs du savoir;
  • la participation de la communauté, par exemple le partage d’aliments/de repas avec la famille et la communauté, la pratique de la musique avec la famille et la communauté.

Soleil couchant brillant à travers la peau d’un tambour autochtone tenu en l’air et sur le point d’être frappé.

Les programmes de guérison et d’aide basées sur la terre et le lieu sont dirigés par la communauté et sont conçus en réponse à des priorités de santé précises (p. ex. les soins palliatifs et de fin de vie) pour les communautés. Les porteurs du savoir et les aînés participent à la guérison et à l’aide basées sur la terre et le lieu, de la planification à la mise en œuvre, et ces programmes sont fondés sur des visions du monde localisées et propres à la culture, y compris les valeurs et les pratiques de guérison.

La langue est une autre dimension de la guérison et de l’aide basées sur la terre et le lieu, en particulier les connaissances telles que les noms de lieux, les pratiques culturelles et l’histoire locale2.

Langues autochtones

Il existe un vaste éventail de langues autochtones au Canada, avec plus de 70 langues autochtones parlées. Pour une carte interactive des langues autochtones au Canada, consultez le site native-land.ca (en anglais seulement).

Dans l’esprit de la revitalisation culturelle, l’accessibilité, l’utilisation et l’interprétation des langues autochtones pendant les soins palliatifs et de fin de vie peuvent améliorer les communications et la gestion de l’information des manières suivantes :

  • aider les familles et les aidants à s’y retrouver au sein du système de soins de santé, grâce à un programme autochtone d’intervention-pivot3,4;
  • améliorer les messages de guérison et d’aide efficaces sur le plan local et culturel grâce à une meilleure compréhension des croyances autochtones en matière de santé;
  • offrir et utiliser des services d’interprétation autochtones6.

Image de personnes portant des vêtements traditionnels des Premières Nations, des Inuits et des Métis, formant un cercle en se tenant par les bras autour d’un esprit bleu.

L’utilisation de langues autochtones pour décrire les soins palliatifs et de fin de vie7 peut contribuer à réduire les hésitations des personnes atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie. L’utilisation des langues autochtones peut également réduire au minimum le recours au jargon biomédical et à la formalité tout en centrant le continuum de soins sur les expériences individuelles et collectives des peuples autochtones et en garantissant l’accessibilité des approches autochtones en matière de soins palliatifs et de fin de vie8,9.

Spiritualité autochtone et liens avec les ancêtres

Pour de nombreux mmebres des Premières Nations, des Inuits et des Métis, leur famille et leur communauté, le processus de la mort et le décès ne sont pas seulement des processus biomédicaux et physiques. Il s’agit du voyage d’une personne vers le monde des esprits – un événement social et spirituel qui doit être honoré et célébré en tant que collectif.

Alors que la religion représente généralement l’adhésion à un certain système de croyances, la spiritualité est la qualité qui consiste à se préoccuper de l’esprit ou de l’âme humaine, par opposition aux choses matérielles ou physiques. L’âme est la partie spirituelle de l’être humain, considérée comme immortelle.

L’acquisition de compétences et d’une certaine aisance à l’égard du rapprochement de la spiritualité et des soins palliatifs et de fin de vie est utile dans les aspects suivants :Feu de camp au coucher du soleil au bord d’un lac.

  • honorer le soi holistique – l’esprit, le corps et l’âme;
  • sensibiliser à la spiritualité des personnes atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie;
  • reconnaître les valeurs spirituelles comme une source de force pendant la maladie, le processus de la mort et le décès, qui aident souvent à donner un sens et une signification au but de notre vie sur terre;
  • aider les personnes atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie à se connecter à leur propre pouvoir de réflexion, de ressenti, de décision, de volonté et d’action.

Rôle des ancêtres

Icône du monde des esprits (inukshuk, plume et écharpe) sur fond de cercle violet.

Voix de la communauté

« J’ai peur parce que je ne suis jamais mort avant », a-t-il déclaré. Et j’ai dit : « Moi aussi, j’ai peur, je n’ai jamais vu quelqu’un mourir. »

J’avais 18 ans et mon mari 23 ans quand on lui a diagnostiqué un cancer en phase terminale. Malgré son cancer, il a vécu six ans en assez bonne santé. Quand mon mari avait 29 ans, des tumeurs sont apparues partout. Il m’a dit, « Ella, s’il te plaît, ne les laisse pas m’emmener à l’hôpital. »

Il sentait que l’hôpital allait faire tout ce qui était en son pouvoir pour le maintenir en vie quoi qu’il arrive et il a simplement dit : « Je ne veux pas vivre plus longtemps que nécessaire. »

À sa demande, ma famille et moi l’avons gardé à la maison pendant ses soins. On lui a prescrit des produits pharmaceutiques parce qu’il souffrait beaucoup.

Mon mari a supporté la douleur, mais il avait peur. Il ne cessait de voir des gens et de les inviter à prendre un thé ou un café. Je n’ai pas vu ces personnes, car il s’agissait de certains de nos ancêtres. Je crois qu’ils sont venus pour aider mon mari à commencer son voyage vers le monde des esprits.

Le dernier jour de sa vie, il m’a demandé si j’étais prête (pour sa mort). J’ai dit que non, je ne l’étais pas, mais que je supposais qu’il faudrait que je le sois. Puis, il m’a demandé si j’allais être là quand il mourrait. J’ai répondu que oui, je serais là.

« J’ai peur parce que je ne suis jamais mort avant », a-t-il déclaré. Et j’ai dit : « Moi aussi, j’ai peur, je n’ai jamais vu quelqu’un mourir. »

Alors que mon mari était mourant, il était entouré de sa famille et de ses amis, et accompagné par des prières et par la médecine traditionnelle. Nous avons fait appel à un guérisseur traditionnel qui effectue des sueries et qui a apporté la médecine traditionnelle. Nous avons également reçu la visite d’un prédicateur (non autochtone), qui était un bon ami de la famille.

Alors que mon mari commençait son voyage (vers le monde des esprits), c’était comme si quelqu’un avait baissé le volume. C’était aussi comme si je pouvais presque physiquement voir la porte que mon mari s’apprêtait à franchir. Je pouvais presque la voir. C’était comme un espace de plus en plus clair. Je pouvais presque le voir traverser cet espace. Mais c’était comme si je savais que je ne pouvais pas y aller.

Le lendemain matin, mon mari s’en est allé. C’était très paisible pour lui, mais très solitaire pour moi.

Mon mari avait tout planifié. Il avait planifié toutes ses funérailles, y compris ce qu’il allait porter dans son cercueil. Je n’ai pas eu à me préoccuper de la façon de le coiffer, des vêtements à lui mettre, ou de quoi que ce soit. Il avait tout choisi et arrangé. Mon mari avait tout prévu. Il avait fait cela pour s’assurer que je n’aurais pas beaucoup de choses à gérer après son départ, alors que j’élevais notre fils.

Donc, c’était mon mari. Il me manque toujours et c’était il y a 46 ans.

Au cours de mes autres expériences en matière de soins palliatifs avec des amis et en tant qu’aide de personnes atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie, j’ai vu « cette porte et cet espace » à plusieurs reprises depuis, et c’est juste là-bas. Je sais que je ne dois pas encore aller là-bas, mais je sais que c’est là. Ces expériences m’ont rendue plus consciente du pouvoir des soins.

– Ella Paul (aînée mi’kmaq)

En utilisant une optique spirituelle et ancestrale, les soins palliatifs et de fin de vie ont la possibilité de créer des espaces plus sûrs pour conjuguer pratiques culturelles et prise de décisions pendant le processus de la mort et les cérémonies après la mort.

Pour les personnes membres des Premières Nations, inuites et métisses atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie, leur famille et leur communauté, la culture et la spiritualité peuvent les protéger contre les expériences d’isolement culturel et social.

La spiritualité autochtone et les liens avec les ancêtres peuvent établir ou rétablir l’identité et l’appartenance autochtones, en particulier lorsque l’on passe de la vie physique à la vie spirituelle.

Rôle des cérémonies, des enseignements, des pratiques et de la médecine de guérison

Les cérémonies, les enseignements et la médecine de guérison sont des pratiques spirituelles sacrées et des moyens de continuité culturelle autochtone qui contribuent aux identités autochtones, à la résurgence culturelle et à la résistance à la colonisation et à l’assimilation.

Image d’un igloo avec sur chacune de ses briques une maladie limitant l’espérance de vie.Dans le domaine des soins palliatifs et de fin de vie, il est possible d’élargir le continuum de soins pour les personnes membres des Premières Nations, inuites et métisses atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie, leur famille et leur communauté en mettant à jour les politiques, procédures et protocoles liés aux soins de santé afin d’autoriser les pratiques et cérémonies culturelles autochtones (p. ex. la purification par la fumée10, la participation à des cérémonies du calumet11, la participation à des cérémonies de la suerie12, le tambour et les prières) dans les établissements de soins de santé (p. ex. les hôpitaux), notamment la préparation du corps appropriée sur le plan culturel après le décès13.

 

Lorsqu’il est question de cérémonies, d’enseignements, de pratiques et de médecine de guérison, la question de l’appropriation culturelle se pose souvent en relation avec l’utilisation, l’enseignement et l’application de pratiques spirituelles et de rituels autochtones. En tant que pratique éthique, les enseignements expérientiels et la supervision assurés par des aînés, des porteurs du savoir ou des guérisseurs reconnus sont nécessaires pour continuer à utiliser de manière plus sécurisante et respectueuse les pratiques spirituelles autochtones dans une profession d’aide, qui inclut les soins palliatifs et de fin de vie.

Pourquoi l’appropriation culturelle est-elle un manque de respect (page en anglais seulement)? Les réponses résident dans la communauté.

De nombreuses communautés autochtones du Canada dispensent la plupart des soins holistiques aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis. Les communautés savent quoi faire.

Les forces et les modes de connaissance se trouvent dans les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis sous la forme d’aînés et de porteurs du savoir, de guérisseurs et d’aides autochtones, de dirigeants communautaires, de familles et d’amis.

Les pratiques de guérison et d’aide relationnelles dans le cadre des soins palliatifs et de fin de vie permettent de vivre le chagrin, la perte et le deuil de façon plus saine. Ces pratiques aident les personnes et les groupes à développer un plus grand sens des liens avec eux-mêmes, avec leur famille, avec leurs amis, avec les membres de leur communauté, avec les communautés (dans leur ensemble) et avec la Terre mère, chacun de ces éléments influençant la manière dont les personnes et les groupes peuvent comprendre la maladie, le processus de la mort, le décès et la perte.

Pour entendre des récits oraux sur le rôle des cérémonies, des enseignements et des pratiques de guérison du point de vue des Premières Nations, des Inuits et des Métis, consultez le site Living my Culture (en anglais seulement).

Voix de la communauté : Perspectives des Inuits du Nunavik sur les soins palliatifs et de fin de vie

Les aînés de la communauté et les chefs spirituels ont expliqué qu’historiquement, une fois la mort survenue, les corps étaient placés sous un tas de pierres oblong, car la toundra gelée empêchait d’enterrer les corps. Les principales possessions d’une personne, telles que les outils de chasse, de sculpture, de cuisine et de couture, étaient incluses. Les pierres recouvrant le corps empêchaient les oiseaux et les mammifères prédateurs de s’attaquer au défunt. Dans certaines parties du Nunavik, ces tombes sont maintenant préservées et protégées par des clôtures. Dans les communautés du Nunavik, la famille élargie et les membres de la communauté perpétuent les traditions selon lesquelles les aidants immédiats veillent sur les derniers jours de la vie d’un patient. Plus récemment, les membres des femmes auxiliaires, un groupe de bénévoles de l’église, aident à nettoyer, cuisiner, veiller, recruter des bénévoles, si nécessaire, et à laver les corps après la mort. Ces pratiques restent actives14.

Pratique prometteuse : Portail canadien en soins palliatifs – LivingMyCulture.ca

Livingmyculture.ca est un dépôt de récits et de sagesse des Premières Nations, des Inuits et des Métis sur la vie avec des maladies graves, la fin de vie, le deuil, la perte et le soutien aux autres.

Ce site Web contient également des ressources multimédias, dont plus de 800 clips vidéo dans la tradition des récits oraux racontés par des personnes atteintes d’une maladie grave, des familles, des aînés, des prestataires de soins de santé autochtones et des dirigeants communautaires; quatre modules d’apprentissage en ligne sur la sécurisation culturelle pour les prestataires de soins de santé et les éducateurs; des enregistrements de webinaires; des documents en ligne et imprimés.

Les principaux destinataires sont les peuples autochtones, les prestataires de soins de santé travaillant avec des peuples autochtones et aux côtés de ceux-ci, et les éducateurs renforçant la capacité des prestataires de soins de santé à fournir des soins plus sécurisants sur le plan culturel.

Perspectives des Premières Nations sur la maladie et sur les soins palliatifs et de fin de vie : First Nations (en anglais seulement)
Perspectives des Inuits sur la maladie et sur les soins palliatifs et de fin de vie : Inuits
(en anglais seulement)
Perspectives des Métis sur la maladie et sur les soins palliatifs et de fin de vie : Métis (en anglais seulement)

Rôle des aînés et des porteurs du savoir

Icône du monde des esprits (inukshuk, plume et écharpe) sur fond de cercle violet.

Voix de la communauté

Le fils de mon amie m’a appelée. Il a dit : « Tu veux bien venir (à l’hôpital) et purifier maman avec de la fumée? » J’ai dit oui et que j’arrivais tout de suite.

Mon amie est morte d’un cancer il y a deux ans. Le cancer a attaqué différentes parties de son corps et elle souffrait énormément. Nous avions beaucoup de choses en commun : nous étions toutes deux veuves, nous avions deux fils et nous avions le même âge.

J’allais souvent déjeuner avec elle et je l’emmenais se balader en voiture dans la communauté. Elle appréciait la compagnie – elle parlait et riait beaucoup. Je me souviens d’un trajet en voiture, en automne. Les feuilles étaient rouges et pourpres et mon amie, même si elle était souffrante, a commenté la beauté de la nature – en particulier, les arbres.

Malheureusement, elle est devenue de plus en plus malade et faible. Alors, elle est allée à l’hôpital. Mon amie était mourante.

Quand je suis allée la voir, ses cheveux étaient en désordre et elle portait un vieux t-shirt sale. J’étais irritée que les infirmières ne l’aient pas lavée, car mon amie était une dame toujours tirée à quatre épingles.

Le lendemain, je lui ai acheté un tas de robes de nuit et je les lui ai apportées pour qu’elle les porte. Les nouvelles tenues de nuit ont amélioré son humeur et changé sa perspective. Je l’ai aidée à mettre ses nouveaux vêtements. Mon amie a déclaré que le fait de porter les nouvelles robes de nuit lui permettait de se sentir propre et beaucoup mieux, même si elle avait mal.

Quelques jours plus tard, j’ai reçu un appel le matin. Le fils de mon amie m’a appelée. Il a dit : « Tu veux bien venir (à l’hôpital) et purifier maman avec de la fumée? » J’ai dit oui et que j’arrivais tout de suite.

Quand le fils de mon amie m’a appelée, je ne savais pas si elle était morte ou si elle était encore en vie. Quand je suis arrivée à l’hôpital, mon amie était encore en vie. J’ai emmené mon fils aîné avec moi, car la mort le tracasse vraiment depuis le décès de mon mari il y a plus de quarante ans. Je voulais qu’il voie le cheminement naturel de la vie – à quel point c’est triste pour nous, mais pas nécessairement pour la personne qui commence son voyage vers le monde des esprits.

La famille de mon amie était déjà dans sa chambre d’hôpital. Je suis arrivée avec mon fils… et nous sommes entrés dans la pièce. Ils ont fermé la porte et j’ai commencé par purifier tout le monde avec de la fumée. Ses fils, puis sa belle-fille, puis sa soeur, sa nièce et mon fils. Et puis, j’ai commencé à répandre de la fumée tout autour du corps de mon amie pendant que je priais.

C’était vraiment dur pour moi, mais j’ai continué à me concentrer sur la prière. J’ai commencé la purification à partir de ses pieds et je suis remontée tout le long de son corps. Avec la plume, j’ai ensuite touché le front de mon amie, puis sur sa poitrine. Mes yeux étaient fermés pendant la purification et les prières, je ne l’ai pas vu, mais la fille de mon amie et sa soeur ont dit que dès que j’ai touché sa poitrine, mon amie a poussé son dernier soupir. Elles ont dit, « vous l’avez aidée, vous l’avez aidée à partir. » Je suis vraiment contente de l’avoir aidée. Elle me manque et son sens de l’humour fou me manque toujours!

Certains de mes amis sont partis au fil des ans et ils me manquent. Cependant, ils sont tous partis rejoindre cet espace différent. Nous devons être là pour eux et je pense que c’est un peu ce qu’est mon travail pour les amis et les personnes atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie, c’est d’être là pour eux.

– Ella Paul (aînée mi’kmaq)

Les aînés15 et les porteurs du savoir16 jouent un rôle important dans l’échange des valeurs traditionnelles et des enseignements sacrés. Individuellement et collectivement, ils apportent sagesse et expérience aux soins palliatifs et de fin de vie. Leur compréhension des traditions et des attentes culturelles précises des Premières Nations, des Inuits et des Métis en ce qui concerne la mort et le décès permet d’engager des conversations et de contribuer à ce que le processus de la mort et le décès se déroulent d’une bonne manière.

Une bonne manière de faire

Masque autochtone en bois sur lequel est peint un oiseau rouge et noir.

Selon certains points de vue et modes de connaissance autochtones, une bonne manière de faire peut faire référence aux actes suivants : faire de son mieux, être honnête, authentique et sincère, être bien intentionné, bien parler, bien agir, suivre les protocoles culturels et aider les autres en plus de soi-même par ses actions.

Rôle des guérisseurs et des aides autochtones

Les guérisseurs et les aides autochtones17 peuvent faire le lien entre la culture, la terre, l’identité et le lieu dans le cadre des médecines curatives qui aident les personnes atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie, leur famille et leur communauté. Les guérisseurs et les aides autochtones peuvent proposer des approches holistiques qui reconnaissent la relation interdépendante entre l’esprit, le corps et les émotions dans une perspective de guérison et d’aide. En complément des aînés et des porteurs du savoir, les guérisseurs et les aides autochtones peuvent aider les personnes membres des Premières Nations, inuites et métisses atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie, leur famille et leur communauté à nouer ou renouer des liens avec les modes de connaissance autochtones, par exemple les pratiques et les cérémonies de fin de vie.

L’offre de services d’intervention-pivot et la défense des intérêts des Premières Nations, des Inuits et des Métis, en particulier dans les communautés rurales, éloignées et nordiques, sont essentielles tout au long des soins palliatifs et de fin de vie. Le type de soutien offert en la matière dans le cadre des soins palliatifs et de fin de vie varie d’un territoire de compétence à l’autre.

Voix de la communauté : Optique inuite sur les soins palliatifs et de fin de vie

Historiquement, dans certaines communautés inuites, certaines personnes se voyaient attribuer le rôle de messager (Tutsalukkaijiit). Leur rôle était de communiquer aux familles la douloureuse nouvelle du décès ou de la perte d’un être cher. Les personnes chargées de cette tâche avaient une certaine expérience de la vie et étaient souvent respectées dans la communauté. De même, les travailleurs de la santé traditionnels, ceux qui s’occupaient des naissances, des décès ou des maladies dans les communautés, étaient des personnes, généralement des femmes, qui avaient été encadrées par la génération précédente. Leur capacité à répondre aux besoins physiques et émotionnels complexes des familles dépendait de ce qu’elles avaient appris en observant et en aidant le mentor plus expérimenté. Les interprètes se trouvaient à un point de jonction unique entre les modèles de soins historiques et contemporains18.

Rôle des dirigeants communautaires

Homme âgé des Premières Nations tenant un bol de purification par la fumée et une plume.

Le leadership autochtone à tous les niveaux dans les communautés autochtones est complexe, compliqué et multiforme19,20 . La vision des dirigeants et du leadership a été façonnée par la colonisation et par un passé de dislocation et d’isolement, de racisme, de violence et de pauvreté21. Les dirigeants des Premières Nations, des Inuits et des Métis se souviennent de ces événements de génération en génération alors qu’ils assument des rôles et des responsabilités en se mobilisant auprès et aux côtés de leurs communautés pour répondre à une variété de questions comme la santé, le logement, la diversification économique, l’éducation, l’environnement, la gestion des terres, les enfants et les familles22. De plus, ils doivent faire preuve de leadership pour assumer les rôles et les responsabilités liés à la reconstruction, à la réunification, à la refonte et à la revitalisation de leurs communautés respectives des Premières Nations, des Inuits et des Métis, tout en affrontant les traumatismes intergénérationnels qui découlent souvent des rappels constants du colonialisme, y compris les effets de l’expérience des pensionnats23,24.

Tel qu’indiqué dans le document complet, intitulé Commencement du voyage dans le monde des esprits : approches des Premières Nations, des Inuits et des Métis en matière de soins palliatifs et de fin de vie au Canada, des dirigeants locaux forts dans les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis peuvent servir de catalyseurs pour opérer un changement transformateur en faisant des approches autochtones locales en matière de soins palliatifs et de fin de vie une priorité stratégique dans le cadre du continuum de soins pour les membres de la communauté tout au long de la vie et des générations. Ces dirigeants sont passionnés, respectés, influents et motivants25.

Rôle des familles et des amis

Icône du monde des esprits (inukshuk, plume et écharpe) sur fond de cercle violet.

Voix de la communauté

« Les infirmières venaient lui donner des médicaments de confort, mais c’est nous qui avons eu la joie et l’honneur de nous occuper d’elle et d’être avec elle dans les dernières heures de sa vie. »

Ma grand-mère était une femme gentille et douce. Il émanait d’elle cette sollicitude incroyablement forte et silencieuse des femmes métisses. Une sollicitude qui ne se communique pas par des mots, mais plutôt par l’action et le service envers sa famille. Avec une affection absolue et des sentiments réconfortants, je me souviens de son rire, de son tricot, de son pain frit et de sa nature tranquille.

À 73 ans, elle a été admise à l’hôpital pour une infection. Pendant son séjour à l’hôpital, elle a subi une grave attaque cérébrale qui l’a conduite aux dernières heures de sa vie.

Toute ma famille s’est réunie avec elle ce jour-là. Il y avait ma mère, mon père, mes tantes, mes oncles et tous les cousins. Nous étions facilement vingt dans la pièce avec elle à tout moment. Il s’agissait d’une chambre pour deux personnes, mais le personnel de l’hôpital a gardé le deuxième lit inoccupé pour que nous puissions être avec elle en toute intimité. Nous avons passé le temps à jouer aux cartes, à parler, à partager des souvenirs, à rire et à être simplement ensemble en famille. Oscillant entre conscience et inconscience, grand-mère ouvrait un peu les yeux de temps en temps, et nous voyait tous là. Je suis sûre qu’elle pouvait nous entendre. Les infirmières venaient lui donner des médicaments de confort, mais c’est nous qui avons eu la joie et l’honneur de nous occuper d’elle et d’être avec elle dans les dernières heures de sa vie.

Nous étions tous avec elle quand elle est morte.

Ces derniers moments ont été une célébration d’elle, de notre famille, de notre passé, de notre présent et de notre avenir.

– Lisa Vaughn (citoyenne de la Métis Nation of Alberta)

Tout au long de ce rapport, il est reconnu que les soutiens et les ressources en matière de soins palliatifs et de fin de vie ne sont pas réservés aux personnes atteintes d’une maladie potentiellement mortelle, mais s’étendent également à leur famille et à leur communauté. Cela inclut le rôle des familles et des amis en tant qu’aidants dans les cas où (i) il y a un manque d’accès aux soins palliatifs et de fin de vie et où (ii) les personnes atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie préfèrent que leur famille ou leurs amis participent activement à leurs rituels de soins palliatifs et de fin de vie26.

Le processus de soins palliatifs et de fin de vie peut être stressant pour les familles et les amis27,28. Les approches autochtones en matière de soins palliatifs et de soins de fin de vie, qui permettent de gérer le stress lié à la maladie, au processus de la mort et au décès, sont guidées par les rôles des ancêtres, de la communauté, des aînés, de la famille, des amis et de la famille élargie, la sécurisation culturelle, l’interconnexion et les relations, la diversité, l’autodétermination et l’autonomie29.

Infographie de la culture comme médecine avec des icônes représentant la vie autochtone.

Voix de la communauté : Optique inuite sur les soins palliatifs et de fin de vie

Les prestataires de soins ont déclaré que la plupart des patients en phase terminale préféraient mourir chez eux, où ils sont entourés de leurs amis, de leur famille, dans un environnement familial et communautaire familier. Les familles et les communautés sont prêtes à ne pas ménager leurs efforts pour respecter ces souhaits, souvent en collaboration avec le centre de santé local ou les hôpitaux régionaux. Les familles préfèrent souvent que le patient reste à la maison pendant les derniers jours de sa vie, car leur propre processus de deuil est soutenu lorsque la famille, les amis et les voisins les entourent pendant les derniers jours de la vie d’un patient. Les femmes ont tendance à être les principaux aidants des membres de la famille qui meurent à la maison : épouses, filles et petites-filles. Les hommes interviennent lorsqu’il faut soulever ou déplacer le patient et lorsque les femmes sont incapables de fournir les soins nécessaires30.

Au Nunavik, la définition de la famille est élargie, créant un système de relations plus large à travers lequel les décisions de fin de vie sont prises et les responsabilités en matière de soins sont assumées. Par exemple, les enfants des nièces et des neveux ont également été définis comme les petits-enfants d’une personne et pouvaient jouer le rôle de décideurs et d’aidants clés. Les membres de la famille qui avaient été séparés par l’adoption lorsqu’ils étaient enfants ou adolescents revenaient parfois et s’engageaient à fournir des soins de fin de vie aux membres de leur famille biologique. Il n’est pas rare que les grands-parents aient élevé un enfant pendant les premières années de sa vie. De leur côté, les petits-enfants et arrière-petits-enfants peuvent avoir été présents lors de la prise de décisions et du processus de soins31.

De nombreux peuples autochtones font preuve de force et de résilience en s’engageant ou en se réengageant dans des pratiques culturelles et spirituelles et en persévérant sans relâche à rechercher la vérité sur l’histoire coloniale de l’expulsion forcée des terres traditionnelles, les effets du système des pensionnats et l’assimilation culturelle. La force et la résilience croissantes des peuples autochtones se traduisent par des demandes pour que les familles et les amis puissent rendre visite à leurs proches atteints d’une maladie limitant l’espérance de vie, tout en participant à leurs côtés à des cérémonies et à des pratiques culturelles liées à la mort (p. ex., la purification par la fumée, les cérémonies du calumet, la préparation et le partage d’aliments traditionnels, les arts créatifs32).

  1. Wildcat, M., McDonald, M., Irlbacher-Fox, S. et Coulthard, G. (2014). Learning from the land: Indigenous land-based pedagogy and decolonization. Decolonization: Indigeneity, Education & Society, 3(3), I-XV.
  2. https://soahac.on.ca/wp-content/uploads/2015/01/Final-V7-SOAHAC-Palliative-Care-Report-_-July-31-16.pdf (en anglais seulement)
  3. https://www.hospicewaterloo.ca/wp-content/uploads/2015/05/Final-Report-Aboriginal-Palliative-Care-Needs-Assessment.pdf (en anglais seulement)
  4. Jacklin, K. et Warry, W. (2012). Decolonizing first nations health. Dans J. C. Kulig et A. M. Williams (éd.), Health in rural Canada (p. 374-375). Vancouver, Colombie-Britannique : UBC Press.
  5. https://www.lco-cdo.org/wp-content/uploads/2019/03/Dying-alone_An-Indigenous-mans-journey-at-EOL_C-Bablitz.pdf (en anglais seulement)
  6. Par exemple, les décisions relatives à la planification préalable des soins, l’évolution de la maladie, les interventions de soins palliatifs, la planification financière, l’évaluation, la prise de décisions et les formulaires et l’acquisition d’équipement.
  7. https://www.cancercareontario.ca/en/guidelines-advice/treatment-modality/palliative-care/toolkit-aboriginal-communities (en anglais seulement)
  8. Hordyk, S. R., Macdonald, M. E. et Brassard, P. (2017). End-of-life care in Nunavik, Quebec: Inuit experiences, current realities, and ways forward. J Palliat Med, 20(6), 647-655.
  9. La purification par la fumée consiste à brûler des herbes sacrées dans un coquillage ou un bol. La fumée est étalée sur les participants. On l’utilise pour purifier les personnes et les lieux. Pour plus d’information, consultez le site
  10. https://www.ictinc.ca/blog/a-definition-of-smudging (en anglais seulement).
  11. https://canadianaboriginal.weebly.com/rituals-worship-and-festivals.html (en anglais seulement)
  12. Les cérémonies de la suerie purifient le corps, l’esprit et le coeur et rétablissent les relations avec soi-même, avec les autres et avec le Créateur. La hutte de sudation est un espace sacré. Il s’agit d’une structure fermée avec une fosse où sont placées des pierres chauffées. Le chef de la hutte de sudation verse de l’eau sur les pierres chaudes pour créer de la vapeur. Les participants chantent, prient, parlent ou méditent pendant qu’ils sont assis. Pour plus d’information, consultez le site https://www.strongnations.com/gs/show.php?gs=4&gsd=3914 (en anglais seulement).
  13. Global Institute of Psychosocial, Palliative & End-of-Life Care. (2016). A search for solutions: a gathering on palliative care for First Nations, Inuit & Métis Peoples. Rapport du colloque de GIPPEC.
  14. Hordyk, S. R., MacDonald, M. E. et Brassard, P. (2016). End-of-life care for Inuit living in Nunavik, Quebec: a report written for the Nunavik Regional Board of Health. p. 17.
  15. Les aînés sont des membres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis qui s’engagent à vie en faveur de la santé et de la guérison holistique de leur communauté et de leur peuple.
  16. Les porteurs du savoir sont des membres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis qui sont reconnus par leurs communautés respectives pour l’échange de leurs connaissances importantes sur le plan culturel et de leur vision du monde autochtone.
  17. Les guérisseurs occupent souvent des postes très respectés dans les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
  18. Hordyk, S. R., MacDonald, M. E. et Brassard, P. (2016). End-of-life care for Inuit living in Nunavik, Quebec: a report written for the Nunavik Regional Board of Health. p. 60.
  19. Calliou, B. (2008). The significance of building leadership and community capacity to implement self-government. Dans Y. Belanger (éd.), Aboriginal self-government in Canada: current trends and issues (3e éd.). Saskatoon, Saskatchewan : Purich.
  20. Calliou, B. et Voyageur, C. (2007, été). Aboriginal leadership development: building capacity for success, 4, 8-10.
  21. https://ehprnh2mwo3.exactdn.com/wp-content/uploads/2021/01/Executive_Summary_English_Web.pdf, p. 50 (en anglais seulement).
  22. Sandefure, G. et Deloria, P. J. (2018). Indigenous leadership. Daedalus, 147(2), 124-135.
  23. https://harvest.usask.ca/bitstream/handle/10388/etd-04262005-094217/Ottmann.pdf?sequence=1&isAllowed=y (en anglais seulement).
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  29. https://www.fnha.ca/Documents/framework-accord-cadre.pdf (en anglais seulement)
  30. Hordyk, S. R., MacDonald, M. E. et Brassard, P. (2016). End-of-life care for Inuit living in Nunavik, Quebec: a report written for the Nunavik Regional Board of Health. p. 23.
  31. Ibid. p. 23.
  32. Cela inclut, sans s’y limiter, l’écriture, le dessin, la peinture, la sculpture, le chant et la danse.